La poupée qui fait oui

[NB: je reviens sur la pointe des pieds après une pause de quelques mois. Pour rappel, les faits énoncés remontent à plusieurs années. Pour connaitre le début de l’histoire, il faut lire le blog chronologiquement en débutant par le premier article.]

Dans ta course effrénée si tu ne sais pas après quoi tu cours, tu t’aperçois en revanche que petit à petit, tu as mis en place un mode opératoire bien déterminé.

Tu veux plaire. Tu as à cœur d’être aimée, désirée, adorée, chérie, ne serait-ce que le temps du rendez-vous. De préférence, suffisamment pour susciter l’envie de te revoir, ainsi de cette façon tu as la confirmation formelle que tu as plu, tu te sens pleinement rassurée, et c’est idiot car tu sais pertinemment que tu ne donneras pas suite, mais c’est important pour toi de le savoir.

Alors tu mets toutes les chances de ton côté. Rien n’est laissé au hasard. Tes rendez-vous sont préparés avec soin. Ta lingerie est fine, délicate et tu es toujours impeccable, tu l’as toujours été mais tu redoubles de soins. Toujours coiffée, manucurée, crémée, parfumée.

Cet amant préfère les collants pour les arracher? Tu abandonnes tes bas chéris le temps d’une soirée. Cet amant adore le rouge? Tu sors cet ensemble carmin satiné. Cet amant aime les surprises? Tu ne mettras pas de culotte ce soir là, et tu la lui glisseras dans la poche, en arrivant. Tu t’adaptes à leurs goûts.

Mais c’est surtout dans ton attitude que l’enjeu se perçoit.

Tu n’es pas seulement une maitresse pour ces hommes, tu te fais presque un devoir de dire oui à leurs envies les plus osées, d’exaucer leurs souhaits les plus secrets, de mettre en scènes les fantasmes qu’ils n’osent pas avouer à leur femme. Tu es comme une fée des orgasmes. Tu aimes à leur offrir ce qu’ils ne peuvent avoir au quotidien. Rien ne te plait plus, rien ne te flatte plus que d’entendre dans leurs cris de plaisir qu’ils n’ont rien connu de plus intense que jusqu’à cet instant. Parfois ils te le disent, souvent ils te le gémissent, ou encore tu le devines dans leur regard: oui, ce moment était exceptionnel. Et tu n’aimes rien tant que d’être leur fantasme d’un jour.

Et tant pis si pour cela tu vis des envies qui ne sont pas les tiennes. Tant pis si pour cela tu joues à des jeux qui ne te faisaient pas rêver au départ. Tant pis si pour cela tu revêts les atours d’une femme qui n’est pas vraiment toi. Ton plaisir est cérébral. Ton plaisir est celui de leur en donner. Ton plaisir est de les voir en prendre. Et de savoir que c’est grâce à toi seule, tout cela.

Rien ne te rend plus ivre de plaisir, que de sentir que tu es pour eux, à cet instant, source de plaisir intense.

Et peu importe les moyens qu’il aura fallu pour y parvenir.

Et tant pis si ça t’abîme, au passage.

Au fond, tu joues à la poupée. Une bien jolie poupée, que l’on coiffe, que l’on habille comme on veut, à qui l’on fait faire ce que l’on veut, pour son plaisir, et que l’on repose quand on a fini de jouer.

Une poupée qui fait oui. Qui dit oui à tout. Consentante par défaut.

Tu as l’impression que ce jeu qui se répète à l’infini est toujours le même: tu te fais belle, tu fais ce que l’on attend de toi sexuellement, et la page se tourne pour en ouvrir une autre qui raconte la même histoire, encore et encore.

Il est temps de changer de jeu.

Un commentaire

  • Dezhabuzed

    Ton écriture m’avait manqué…
    Je n’ai pu m’empêcher de tout laisser en plan quand j’ai vu la notification de ce nouveau billet.
    Je n’ai pu m’empêcher de dévorer tes mots.. De te dévorer…

    Je me suis demandé si il n’y avait pas aussi un sentiment d’auto destruction à vouloir tant vivre pour le fantasme de ces chanceux amants même si c’était à ton détriment…

    J’ai déjà hâte de lire la suite

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