Celle qui se fait prendre

Alors voilà, arrive un jour ce qui devait finir par arriver.


A force de tromper ton mari en toute impunité et sans conséquence, tu prends confiance et deviens moins prudente. Ou plutôt, tu n’avais jamais vraiment cherché à l’être.

Oui, depuis le début tu fonces sous la douche en rentrant pour effacer toute trace de tes activités clandestines, mais ce n’est pas une attitude vraiment discrète.
Oui, tu caches maladroitement le rouge de tes joues derrière de l’anticernes, tes lèvres inflammées par les baisers sous du baume à lèvres, mais tu te rends bien compte toi-même que ce n’est pas convaincant.

Pourtant il te croit volontiers. Parce qu’il a envie de te croire.

Et puis c’est si simple que cela en devient presque vexant, cette façon qu’il a de ne plus faire attention à toi au point de nier l’évidence, et de ne pas voir ce qui se passe sous ses yeux. Et tu n’oublies pas qu’à la base lorsque tu l’as trompé c’était plus ou moins avec une idée de lui rendre la monnaie de sa pièce parce qu’il en avait fait autant… quel intérêt si tu ne te fais pas prendre. Tu as envie d’attirer son attention. A tout prix.

Alors, plus ou moins inconsciemment, tu te fais moins discrète.

Tu changes de parfum, tu choisis le plus capiteux du magasin. Par provocation peut-être? Tu es d’humeur à faire tourner les têtes. Tu changes aussi de rouge à lèvres, toi qui portais du rose thé, tu sélectionnes avec soin un rouge carmin profond, « rouge pute » dirait ta mère et au fond cela te plait de porter cette couleur si provocante pour aller rejoindre un amant, oui cela te plait de revêtir les atours d’une femme moins sage comme l’on enfile un costume pour monter sur scène.

Tu vas chez le coiffeur et tu ressors tes petites robes, courtes les robes, et tu mets des talons, hauts les talons.

Tu multiplies les sorties, toi qui étais plutôt casanière soudain tu vas prétendument voir plein d’expositions, tu fais soit disant du sport comme jamais dans ta vie.

Tu laisses trainer ton ordinateur, sans mot de passe, qu’il suffit d’ouvrir pour tomber directement sur ta boite mail avec l’historique de tous les message échangés avec l’homme du moment. Une longue conversation qui ne laisse pas de place au doute, faite d’échanges parfois explicites, parfois tendres.

Un jour ou, pour une fois, tu es vraiment à une expo accompagnée de ta mère, ton portable sonne et le numéro de ton mari s’affiche. Tu réponds distraitement, en regardant une magnifique tapisserie dans les tons bleus, et soudain le ciel te tombe sur la tête car il te hurle dessus. Si fort que sa voix résonne dans ta tête, si fort que le son sort de ton téléphone et brise le silence feutré de l’exposition, faisant se retourner ta mère et les personnes autour de vous.

Vent de panique. Les larmes te montent aux yeux instantanément. A cet instant tu n’es plus une femme fatale non plus du tout, tu n’es plus rien qu’une enfant de 5 ans qui prend l’engueulade de sa vie, paralysée de peur, et comprend qu’elle a été trop loin avec cette bêtise de trop.

Tu te précipites à l’extérieur, visage en larmes que tu ne sens même plus couler sur tes joues, en bredouillant attends, excuse moi, écoute moi, je t’en prie pardonne moi, attends… Ta mère te suit, furieuse, elle a compris ce qui se passe.

Le trajet retour est compliqué, une heure de reproches maternels c’est long. Qu’est-ce qui t’as pris de tout gâcher ainsi? Tu as un mec en or et tu vas voir ailleurs comme une trainée, mais ça ne va pas la tête, je t’ai élevée mieux que ça! Tout ça pour quoi, une partie de jambes en l’air – tu ne lui as pas avoué l’étendue du désastre, tout au plus une petite liaison. Elle te dépose devant chez toi en t’ordonnant d’arranger les choses et c’est donc ce que tu vas faire, t’excuser platement.

Et curieusement ça marche. Après une engueulade mémorable, après avoir sorti tout ce que chacun a sur le cœur, après que ton mari soit parti faire un tour quelques heures pour réfléchir, pendant lesquelles tu briques la maison comme jamais et lui prépares son plat préféré au cas ou il te fasse la faveur de rentrer un jour, il finit donc par rentrer.

Il rentre avec des fleurs. Il ne dit rien, il te regarde, tu le regardes, et vous vous jetez l’un sur l’autre à peine l’entrée passée. Vous faites l’amour comme vous ne l’avez plus fait depuis bien longtemps, passionnément et intensément. A même le sol, le carrelage est froid dans ton dos, mais sa peau est brulante et c’est bon comme de retrouver chez soi après un long voyage.

Après avoir joui il murmure à ton oreille « On efface tout. On oublie tout. On repart de zéro. Je ne te tromperai plus jamais. Tu ne me tromperas plus jamais. Juré? »

Juré.

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